Nos experts dans la presse

Les politiques souhaitables pour la reprise économique

Publié le 04/05/2020

Analyse macro-économique par Michala Marcussen, Chef économiste du Groupe.

Les gouvernements du monde entier se préparent progressivement à réduire les mesures de confinement, et l’attention se porte désormais sur la forme de la reprise.

À court terme, le mot clé devrait être le gradualisme, avec un nouvel ensemble de comportements et de précautions sanitaires qui pourraient rester en place jusqu’à la découverte d’un traitement ou d’un vaccin efficace pour lutter contre le Covid-19. En Chine, où les mesures de confinement ont été largement levées, les consommateurs hésitent toujours à pratiquer certaines activités, notamment voyager et fréquenter les restaurants et les hôtels. L’incertitude persistante quant aux perspectives économiques globales et à la sécurité de l’emploi constitue un autre frein à la consommation des ménages.

Il est encourageant de constater que plusieurs entreprises sont parvenues à faire de cette crise une opportunité : certaines se tournent vers la production de biens et de services dont la demande a augmenté en raison de la pandémie, notamment certains produits pharmaceutiques, des produits destinés à rendre le travail à domicile plus confortable, ou encore de nouvelles applications, voire de nouvelles technologies améliorant l’expérience du monde virtuel.

Toutefois, de nombreuses entreprises seront inévitablement mises à mal et contraintes de réduire à la fois leurs investissements et leurs effectifs. Les politiques gouvernementales feront toute la différence sur ce point. Jusqu’à présent, la plupart des mesures prises se sont concentrées sur le soutien aux ménages et aux entreprises affectés par le confinement, que ce soit par des garanties de crédit, un soutien au revenu des travailleurs ou d’importantes liquidités fournies par les banques centrales. Les politiques visant à soutenir la phase de reprise sont le plus souvent encore seulement en cours d’élaboration, mais plusieurs idées émergent déjà.

En haut de la liste figure l’idée de nouveaux pactes verts, c’est-à-dire la promotion de l’investissement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Il est particulièrement intéressant de se concentrer sur la mise aux normes énergétiques des bâtiments, car le secteur de la construction est généralement un des plus gros employeurs. Pour y parvenir, les gouvernements devront s’assurer que l’offre de main-d’œuvre soit suffisante et, à cet égard, la capacité à reconvertir les travailleurs est essentielle. L’histoire montre en effet que les pays dotés de systèmes d’éducation et d’apprentissage solides tout au long de la vie obtiennent de bien meilleurs résultats en matière de croissance. Les politiques d’éducation sont également en lien avec la possibilité de soutenir un programme de digitalisation et de proposer un moyen durable de réduire les inégalités.

S’il est naturel pour les gouvernements de concentrer leurs mesures sur les secteurs ayant l’impact le plus important sur la croissance intérieure, le retour au protectionnisme est en revanche inquiétant dans le contexte actuel. Il pourrait notamment mettre en péril le récent accord commercial conclu entre les États-Unis et la Chine. Ce genre de guerre commerciale est coûteux et pourrait nettement freiner la reprise mondiale.

Après la crise de 2008-2009, la Chine est devenue une source de demande de dernier ressort pour l’économie mondiale, avec notamment un programme d’investissement massif dans les infrastructures, mais au prix d’une hausse de l’endettement, à hauteur de 100 % du PIB. Il semble toutefois peu probable que la Chine puisse aujourd’hui reproduire cet effort. Pour les économies bénéficiaires, telles que l’Allemagne, cela signifie que les moteurs de croissance devront être recherchés ailleurs.

L’Europe offre de grandes opportunités. La finalisation de l’Union de l’énergie, de l’Union bancaire, de l’Union des marchés des capitaux et, pour certains pays, de l’Union fiscale, donnerait une forte impulsion à la croissance. La question est de savoir si un accord politique peut être conclu pour « trancher le nœud gordien » du débat sur le partage des risques. Même si nous restons optimistes quant à l’intégration européenne à long terme, nous craignons que le processus ne soit lent, ce qui entraînerait de nouvelles divergences au sein de la zone euro au cours des prochaines années, avec des risques politiques non négligeables.

Ainsi, en ce qui concerne la forme de la reprise mondiale, nous tablons sur une reprise lente et agitée, mais même dans ce contexte, les entrepreneurs devraient trouver des opportunités.

  • Michala Marcussen

    Chef Économiste du Groupe et Directrice des Études économiques et sectorielles