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La Fed et la BCE s’approchent de la fin de cycle des hausses de taux

Publié le 12/05/2023

Les marchés financiers s'attendent à ce que le cycle actuel de hausse des taux approche de sa fin, tant pour la Réserve fédérale américaine (Fed) que pour la Banque centrale européenne (BCE), et ce malgré une inflation toujours bien supérieure aux objectifs d'inflation de 2 %. Plusieurs facteurs expliquent cette situation.

Le cycle actuel de resserrement de la politique monétaire est l'un des plus rapides jamais enregistrés et, compte tenu des longs délais avec lesquels le resserrement de la politique monétaire se répercute sur l'économie réelle, il faudra encore un certain temps avant que les effets du cycle actuel ne se fassent pleinement sentir. Si les banques centrales augmentaient leurs taux jusqu'à ce que l'inflation atteigne 2 %, cela s’avérerait sans aucun doute excessif et déclencherait une récession douloureuse. Il convient de rappeler que l'inflation, et d'ailleurs le chômage, sont des indicateurs généralement à la traîne du cycle économique.

Un autre facteur important est que les amortisseurs « inhabituels » résultant de la pandémie commencent maintenant à s’estomper. Ces coussins fonctionnaient par plusieurs canaux ; au fur et à mesure que les ménages s’engageaient à pratiquer la distanciation sociale, l’épargne excédentaire s’est accumulée, soutenue par des mesures politiques. Les gouvernements ont également pris des mesures pour protéger les bilans des entreprises et, une fois les économies rouvertes, les bénéfices des entreprises ont profité de gains exceptionnels. Un autre amortisseur « inhabituel » est venu du fait que les faillites d’entreprises sont tombées à des niveaux exceptionnellement bas pendant la pandémie, ce qui a également soutenu l’emploi.

Les indicateurs avancés des deux côtés de l’Atlantique font désormais état d’une perte de dynamisme économique, à mesure que le resserrement monétaire prend effet et que ces amortisseurs « inhabituels » s’estompent, érodés également par l’inflation. En outre, les gouvernements sont en train de réduire les mesures de soutien exceptionnelles, y compris celles qui ont été mises en place pour aider à atténuer l'impact de la crise énergétique résultant de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

La Fed et la BCE gardent sans doute aussi un œil sur les implications des récentes faillites bancaires, qui ont débuté dans les banques régionales américaines. Bien que la Fed ait pris des mesures énergiques pour atténuer les risques de liquidité et ainsi endiguer la contagion, un durcissement plus marqué des conditions du crédit pour l'économie réelle est encore probable.

Comme l’a noté la présidente de la BCE, Mme Lagarde, lors de la conférence de presse du 16 mars 2023 qui portait sur les banques européennes, « [...] en Europe, nous avons une supervision solide, nous avons des fonds propres solides et nous avons des positions de liquidité solides... ». L’affaiblissement de l’économie américaine est néanmoins important pour l’Europe et pour l’économie mondiale dans son ensemble.

Avec le ralentissement de la dynamique économique, la question de la récession est à nouveau au centre des préoccupations. Plusieurs facteurs de risque peuvent en effet être identifiés, qu’il s’agisse de la géopolitique, de l’impasse sur le plafond de la dette américaine ou d’un ajustement plus brutal aux prix de l’immobilier. À notre avis cependant, il existe aussi des facteurs de soutien. Ils expliquent pourquoi nous pensons qu’une récession mondiale douloureuse peut être évitée. Les États-Unis et l'Union européenne bénéficient toujours de programmes d'investissement soutenus par leurs gouvernements, avec, respectivement, le Inflation Reduction Act et le Next Generation EU. La fin de la politique zéro Covid de la Chine offre un nouvel élan. Enfin, nous notons que les efforts de l’Europe en matière d’économies d’énergie et de diversification de l’approvisionnement ont été couronnés de succès ; il est maintenant essentiel que ces efforts se poursuivent.
 

  • Michala Marcussen

    Chef Économiste du Groupe et Directrice des Études économiques et sectorielles