Les banques peuvent être le lien indispensable dans le soutien au secteur automobile
Tribune de Pierre Palmieri, Directeur général délégué du Groupe postée sur LinkedIn en octobre 2024.
Des giga-factories aux infrastructures, de la location de flotte au crédit auto, de la technologie embarquée aux réglementations locales… les acteurs du secteur de l'automobile ont besoin d’une vision approfondie de l’ensemble de la chaîne de valeur pour relever leurs défis.
Le Mondial de l'Auto 2024, qui s'est achevé à Paris le 20 octobre, a connu un franc succès. Il a également mis en lumière un secteur à la croisée des chemins. Les constructeurs automobiles, leurs fournisseurs, les concessionnaires et les financiers, en fait toute la chaîne de valeur du secteur, sont confrontés à une concurrence sans précédent, à des pressions sur les coûts et à l’évolution de la réglementation – alors même qu’ils se lancent dans la transformation la plus fondamentale du secteur depuis la production en masse d'Henry Ford.
Les opportunités sont immenses, tout comme les défis : la propulsion des véhicules, la façon dont on les utilise, le mode de propriété et de financements, etc. C’est tout le concept de mobilité qui est en train de changer.
Les défis : électrification et automatisation
L'électrification est le principal défi auquel est confronté le secteur. Le passage aux véhicules électriques (VE) s'avère plus complexe que prévu pour l'industrie. Concevoir de nouveaux modèles, créer des chaînes d'approvisionnement différentes et sécuriser suffisamment de minéraux critiques et de batteries à un coût acceptable n'est que le début.
De plus, les constructeurs automobiles occidentaux (ou FEO, fabricants d’équipement d’origine) font face à une concurrence intense et subventionnée de la part de la Chine ainsi qu'à un environnement réglementaire en évolution rapide sur leur propre territoire.
Tous ces éléments ont freiné la capacité du secteur à passer à l’échelle, ce qui maintient le coût des véhicules électriques à un niveau plus élevé que ce que la plupart des individus sont prêts à payer. Associée à un manque d'infrastructures de recharge, l'adoption par les consommateurs a ralenti au cours de l'année écoulée, les VE ne représentant que 10 à 15 % des ventes de voitures neuves en Europe et aux États-Unis.
Parallèlement, les constructeurs automobiles doivent trouver comment rendre les véhicules intelligents. Les voitures contiennent déjà beaucoup de logiciels, mais le développement de la conduite autonome et la perspective d'intégrer l'intelligence artificielle (IA) ajoutent de nouveaux niveaux de complexité – ainsi que de nouveaux concurrents. Alors que les FEO occidentaux cherchent encore à passer à l'électrique, leurs homologues chinois et des entreprises comme Google consacrent un temps et un argent considérables à déterminer comment l'IA influencera l'avenir de la voiture.
La transformation est déjà assez difficile lorsque la demande est en hausse. Mais après des décennies d'expansion, le marché de l'automobile n’est plus véritablement en croissance. La production automobile mondiale a atteint un pic à un peu plus de 95 millions d'unités en 2017 et demeure à presque un dixième en dessous de ce niveau.
Cela explique en partie certains des récents avertissements sur bénéfices des constructeurs automobiles européens. La plupart des FEO, du moins, disposent de bilans solides à la suite de leur reprise post-pandémie. De nombreux fournisseurs de premier rang et de plus petites entreprises, ainsi que des startups spécialisées dans les batteries, rencontrent des difficultés plus importantes et sont contraints de se restructurer et de suspendre certains projets, y compris des projets de giga-factories.
La réponse de l'industrie : coûts et mise à l’échelle
Face à ce qui semble être d’immenses défis, la pire chose à faire serait de changer de stratégie à long terme. Malgré les difficultés de croissance communes à la plupart des nouveaux produits, les VE atteindront une adoption de masse avec le temps – le tour de force sera de combler le fossé d’ici là.
Pour ce faire, les FEO doivent réduire leurs coûts. En effet, la plupart des modèles de VE sur la plupart des marchés ne sont toujours pas suffisamment rentables et le sont certainement moins que les véhicules à moteur à combustion (ICE). La question principale réside dans le manque d'échelle.
Passer à l'échelle nécessitera davantage d'investissements dans les chaînes de valeur, y compris en amont, dans les technologies de batteries. Les constructeurs automobiles devront répartir leurs investissements entre le lithium, le nickel et les versions à semi-conducteurs.
Les constructeurs automobiles doivent également revoir leur recherche et développement et compléter leurs équipes d’ingénieurs mécaniques traditionnels avec des experts en logiciels et des concepteurs d'interface utilisateur, recrutés en dehors des canaux traditionnels, par exemple dans le secteur des smartphones. Le coût n'est pas le seul problème derrière l'attrait relatif des VE ; l'expérience utilisateur doit également être améliorée.
Soutien du secteur public
Simultanément, l'infrastructure de recharge devra être développée beaucoup plus rapidement.
Actuellement, l'Europe créée 2 000 points de recharge par semaine ; cela devra passer à 14 000 pour atteindre les objectifs de Bruxelles d'ici à 2030. Une grande partie de cela peut être gérée par des entreprises privées et des modèles économiques innovants émergents. Mais cela nécessitera un soutien gouvernemental. Cela est également vrai de manière beaucoup plus large, car nous ne pouvons ignorer la contribution économique et sociale exceptionnelle du secteur – environ 10 % du PIB et 13 millions d'emplois en Europe.
Il est également nécessaire d'assurer une cohérence réglementaire. Les normes environnementales sujettes à des changements et en conflit avec la politique industrielle ajoutent à la volatilité et augmentent les coûts et la complexité. L'industrie a besoin d'une approche réglementaire holistique et cohérente ainsi que d'un certain niveau de protection pendant sa transformation.
Le secteur financier sur l’ensemble de la chaîne de valeur
Les banques comme Société Générale, avec une activité de leasing automobile de premier plan, peuvent jouer, et jouent, un rôle actif. Au-delà du financement de l'électrification et des nouvelles technologies embarquées à grande échelle, du conseil sur les opportunités de partenariat et de consolidation, nous avons l'expertise, en amont et en aval, pour soutenir les acteurs dans leur transition. Cela inclut les secteurs énergie et infrastructure, mais aussi la propriété et l'usage des véhicules, avec des solutions de leasing et de crédit conso – qui sont aussi des moyens de booster l'adoption des véhicules électriques.
Même si la tâche est difficile, je suis convaincu qu'il existe une voie vers un avenir prometteur, fait de nouvelles opportunités commerciales rentables.